On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

dimanche 24 février 2013

Comme chaque matin

Comme chaque matin, le garçon avait dû tambouriner à la porte de la salle de bain dans laquelle sa sœur s'était enfermée pour se maquiller. Sa mère l'avait houspillé parce qu'il serait en retard au collège et que de nouveau il n'aurait pas le temps de finir son petit déjeuner. Comme chaque matin, il s'était pressé pour attraper le bus. Une fois monté, il avait joué des coudes pour se rapprocher de ses camarades et échanger avec eux les dernières nouvelles : le dernier profil Facebook de tel ou tel, le jeu qu'il avait téléchargé sur son ordinateur la veille, l'émission de télé qu'il n'avait pu regarder jusqu'au bout parce qu'il devait aller se coucher. Il n'avait pas prêté attention au trajet qu'il connaissait par cœur. Pourquoi l'aurait-il fait ? Tout était comme à l'ordinaire. Une journée identique aux autres, un peu plus froide peut-être en ce glacial mois de février. Il sentait que ses lèvres étaient en train de gercer, ses pieds étaient presque gelés dans ses baskets. Son regard s'était seulement arrêté sur son ami au fond et une colère était monté en lui. Il faudrait qu'aujourd'hui même il ait une explication avec lui. Comme à son habitude, il était descendu à l'arrêt, il avait marché jusqu'à la grille du collège, il avait traversé la cour et il était monté dans sa salle de cours. La matinée s'était passé tranquillement. Il était bon élève. Un garçon de douze ans sans histoire. A midi, il avait déjeuné à la cantine. Au loin, il avait de nouveau aperçu son ami. Il lui dirait deux mots tout à l'heure. Il le fallait. En sortant, il l'avait attendu dans le couloir. L'altercation avait été brève, quoique plus violente qu'il ne s'y était attendu. Au lieu de s'expliquer, les insultes avaient fusé. Bientôt ils en étaient venus aux mains. Il lui avait donné un coup de poing – était-ce volontairement ? il n'aurait su le dire. Le coup était parti, voilà tout, mais le différend était réglé. Sans doute se réconcilieraient-ils tout à l'heure ou bien demain. Il s'en était allé à son premier cours de l'après-midi, content et fier d'avoir eu le dessus. Il avait même levé la main pour répondre à une question posée par son professeur. Il s'en était bien sorti. Comme d'habitude. Son attention avait juste été détournée par la sirène d'une voiture de pompiers, mais c'était au loin.
Soudain, le principal adjoint avait fait irruption dans la salle et lui avait demandé de le suivre. Mais que lui voulait-il donc ? L'autre se sera probablement plaint du coup qu'il lui avait porté. Il se sentait furieux contre lui. Eh quoi, ça se règle entre nous, ces choses-là, se disait-il, un peu inquiet malgré tout. Dans le bureau du principal, deux gendarmes se tenaient debout – il le reconnut à leur uniforme - l'un était une jeune femme – il n'aurait su dire son âge – ses cheveux tirés en queue de cheval lui donnaient un air dur, l'autre un homme maigre entre deux âges, les cheveux courts et grisonnants qui lui rappelaient son père. Sauf que son père ne portait pas d'uniforme. Il soupçonnait que ces deux-là étaient venus pour lui, mais pourquoi ? A cette vue, l'angoisse l'avait gagné. Il se demandait ce qu'il faisait là. On lui expliqua. Le garçon qu'il avait frappé s'était relevé et, une ou deux minutes plus tard, en proie à un malaise, il s'était effondré dans la cour de récréation. Sa tête avait violemment heurté le mur et – était-il possible que ce qu'on lui racontait soit réel ? - il avait été pris de vomissements et de maux de tête, et l'impensable, son cœur s'était arrêté. Le chef cuisinier avait en vain tenté de le ranimer. Les pompiers avaient été appelés en urgence. La sirène, c'était donc cela ! A chaque mot qu'il entendait, il avait pourtant l'impression de ne pouvoir faire le lien. Son camarade était à l'hôpital entre la vie et la mort. On lui demanda de relater le déroulement de leur dispute. Il n'avait su que bredouiller quelques mots incohérents. On ne l'accusait de rien, les causes de l'accident n'étaient pas claires, mais il devait accompagner l'homme et la femme au poste. Sans rien comprendre de ce qui lui arrivait, il les suivit. Mécaniquement. Un pas devant l'autre comme si son corps ne lui appartenait plus et qu'il répondait à la volonté d'un autre. La cours étant vide à cette heure, personne ne le vit monter dans la voiture qui s'éloigna aussitôt. Assis à l'arrière, les larmes coulaient sur son visage. Des larmes d'incompréhension, de peur. Il pensait à son père, à sa mère. Il voulait qu'ils viennent le chercher, se blottir dans leurs bras, rentrer à la maison et se réveiller de ce cauchemar. On le conduisit dans un bureau aux murs sales et gris. Le regard hagard, perdu, il s'assit sur une chaise froide et métallique. L'homme lui demanda de nouveau de raconter ce qu'il s'était passé, tapant laborieusement ses réponses sur un vieil ordinateur. Au beau milieu de sa déposition, confuse, chaotique, le téléphone sonna. L'enfant venait de décéder à l'hôpital. Deux heures après les faits, à 15h. Les parents du jeune accusé furent introduits dans la pièce. On les informa qu'une enquête serait diligentée, les causes du décès seraient mieux établies après l'autopsie, mais des poursuites pénales auraient certainement lieu. Leur fils n'ayant pas encore l'âge de la responsabilité pénale, fixé à treize ans, il ne serait pas mis en garde à vue, mais ils doivent rester à disposition de la justice. Tous trois rentrèrent donc chez eux. Anéantis. Brisés. C'était hier. Pour eux, pour les parents de la victime, un jour nouveau s'est levé, mais ce n'était pas comme chaque matin.
Cette histoire, ici un peu imaginée - mais les choses ont dû se passer à peu près ainsi - me bouleverse. Un jour de l'année dernière, le collège m'a appelé pour m'informer que mon fils – il a douze ans, le même âge que les protagonistes de ce drame – avait fait tomber un de ses camarades en jouant dans la cour de récréation. C'est l'enfant le plus doux, le plus tendre, le moins belliqueux qui soit et pourtant, à lui aussi, à nous tous, une telle histoire aurait pu, pourrait encore arriver et je suis glacé d'effroi. Un rien parfois suffit à détruire des vies et c'est pour toujours une dévastation totale. "L'horreur ! L'horreur !", s'exclame Kurtz dans le roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres. L'horreur, parfois, en effet.

21 commentaires:

R. D. a dit…
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Catherine.Cudicio a dit…
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Catherine.Cudicio a dit…

Bonjour à tous, C’est un accident tragique, dont les média s’emparent pour exploiter la tendance à se repaître de drames pourvu qu’ils ne nous arrivent pas, et à nous conforter dans une morale à bas coût, tout juste bonne à renforcer les préjugés. Il y a une mise en scène qui accentue l’horreur en rejouant une énième version de l’enfant assassin qui fascine et nous plonge dans la stupeur. Faire clairement apparaître le contexte, banal, ordinaire, partagé dans l’indifférence nous rappelle à quel point «tout peut arriver», c’est une attitude de courage d’intelligence, et, de résistance. Les enfants sont là aussi pour nous dire leur vulnérabilité et nous renvoyer à nos responsabilités, entre autres celle de leur laisser croire qu’un coup de poing peut «régler» un problème...

parzyjagla charlotte a dit…

Je me permet un commentaire quelque peu ombrageux. Parce qu’il y a des critiques qui me paraissent constructives. Je n’aime pas trop ce texte. L’expression subjective qui me vient à l’esprit pour le qualifier c’est « morale qui tire vers le bas », c’est cela que ça m’évoque. Parce que ce texte me fait d’abord penser à toutes les raisons pour lesquelles j’ai à m’en faire, au caractère irrationnel –voire injuste- du destin au lieu de me rappeler que je suis jusqu’à ce jour épargnée et relativement en paix et d’en mesurer la chance. D’ailleurs, est-ce cela la chance ?
Il n’y a peut être pas d’enseignement, de leçon à tirer de ce genre d’événement qui peuvent nous mettre à terre pour le restant de nos de nos jours. C’est pour cela que c’est révoltant. Si je prends ce texte pour moi, cela me renvoie à un sentiment de culpabilité : je suis épargnée oui et pourtant moi aussi j’ai parfois agis contre autrui sans en mesurer les conséquences, l’accident qui pouvait découler d’un acte si infime. Si je prends ce texte dans l’absolu, je comprends que la question de la responsabilité individuelle dépasse de loin l’action individuelle, qui est en jeu à chaque fois que quelqu’un croit mesurer mes actes. Mais là où je trouve que ce texte, selon moi, n’est pas très « honnête » c’est qu’il « joue » sur le fait que ce petit garçon avait envie de s’expliquer avec la victime, c’est à dire qu’il y avait une hostilité à l’origine de cet accident, l’exemple aurait été le même si le petit garçon jouait tranquillement au ballon avec la victime et l’avait poussé pour obtenir son ballon et causer la chute mortelle. L’histoire aurait été la même à cela prêt que le petit garçon n’aurait pas à porter toute sa vie la culpabilité d’avoir voulu, intentionnellement à un moment donner « une leçon » à la victime. C’est cela aussi le drame de cette histoire parce que si le petit garçon est responsable du point de vue du droit, c’est parce que le droit répart le dommage causé, à la mesure des conséquences, pour garantir la justice ; du point de vue de la responsabilité individuelle, le petit garçon est exempté d’intention criminelle, il n’est donc pas responsable. Le petit garçon n’a rien fait de mal parce que c’est rien d’exeptionnel ou de grave de vouloir chahuter quelqu’un à la récré quand on est un petit garçon. C’est rien d’exceptionnel mais cela va servir un procès dans lequel sera posé voire diabolisé un acte anodin. Et on parlera de la question de la responsabilité, de la culpabilité d’un acte qui à depassé son auteur, c’est à dire qu’on parle ici ni plus ni moins d’un accident, sans coupable, avec deux victimes.

Jean-René Peggary Master1 SEPAD a dit…

Nous aurions tort de croire qu'une cours de récréation ou un couloir de collège sont des espaces sans risques. Nous aurions tort également de croire que les établissements scolaires sont plus exposés au risque, outrance médiatique comme le souligne Catherine plus haut. Il se joue dans ces lieux ni plus ni moins que dans d'autres lieux, des relations humaines faites aussi d'agressivité,qui parfois dérapent, mais aussi comme en témoigne le drame récent impliquent physiquement une personne sans pour autant engager sa responsabilité morale. Il ne faut pas oublier tous les efforts des équipes éducatives qui travaillent et éduquent au vivre-ensemble dans les établissements scolaires et qui construisent au quotidien ce que bien souvent la société, le quartier, et parfois la famille déconstruiront peu de temps après. Les établissements scolaires, via les Comités d'Education à la Santé et à la Citoyenneté, les cours d'éducation civique mais aussi toutes les problématiques liées au vivre en communauté traitées dans le cadre des cours et des programmes, prennent leur part d'éducation et l'assument avec beaucoup de sérieux et d'engagement professionnel, mais aussi avec humilité. Faisons preuve de tolérance, conscients de nos limites, engagés et déterminés à faire advenir le Bien collectif.

MathieuLL a dit…
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MathieuLL a dit…

Bizarrement, cette histoire m’a rappelé un fameux passage de la bible, celui du transfert de l’arche de l’alliance, par David, à Jérusalem. Alors que celle-ci s’apprête à glisser de son charriot dans la vallée, un certain Ouzza la rattrape mais meurt foudroyé. Le verset précise qu’il avait péché (par insolence, ou irrévérence) contre Dieu en touchant l’arche… Quel est l’esprit qui se dégage de ce récit, fut-il réel ou purement fictif ? Que parfois, en voulant bien faire, on fait très mal… (Certes, on peut trouver fort injuste un tel châtiment… ce n’est pas moins qui dirais le contraire ! je veux simplement mettre l’accent sur l’esprit de ce récit, sa portée symbolique.)

L’esprit vengeur est très naturel chez un enfant, et chez un adulte aussi. Il ne faut surtout jamais culpabiliser un enfant pour des conséquences imprévues. Je suis convaincu, comme Schopenhauer avant moi, que la punition ne devrait viser qu’une seule fonction : le maintien de l’ordre dans la société. Toute culpabilisation devrait être fermement évitée car elle ne contribue qu’à former des esprits craintifs, superstitieux et motivés par la peur des châtiments (comme chez nombre de croyants). Je m’accorderai encore cette majestueuse citation de l’apôtre Jean :

« La crainte n'est pas dans l'amour, mais l'amour parfait bannit la crainte; car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n'est pas parfait dans l'amour. » 1 Jean 4 : 18

MathieuLL a dit…

Pour éviter d’avance toute confusion sur mon dernier paragraphe, je précise tout de suite ceci : je ne veux pas dire qu’il faut pourrir et gâter les enfants, et retirer aux hommes leur conscience morale… je veux simplement dire que, à mon sens, l’essence des sentiments moraux n’est pas la tristesse mais l’amour. Spinoza déclare en substance ceci dans l’Ethique (voir la définition XXVII de la partie III, et la proposition LIV de la partie 4) : « celui qui culpabilise est deux fois plus malheureux ». Ainsi, la culpabilité, en tant que tristesse, est dare-dare rejetée par Spinoza. C’est en faisant croître l’amour dans le cœur de nos enfants et de nos amis que nous épanouissons leur vraie nature morale. La vraie contrition, à mon sens, consiste en ~le passage d’un désamour à un amour~, et non en celui d’un désamour à une tristesse morbide.

Poidevin Benoît a dit…

Plusieurs réflexions naissent de la lecture d'un tel écrit :
Tout d'abord cet appel que l'on peut lire à vivre chaque instant avec intensité. Je ne me désintéresse pas de la mort de ce petit garçon, loin de moi cette pensée, mais le titre lui-même m'incite à réfléchir et à vivre plus consciemment tous ces gestes que nous vivons "comme chaque matin."
Pour une telle réflexion, merci.

Ensuite après avoir lu les faits dans les médias, je m'étonne.
Je m'étonne face à l'attitude des gendarmes : comment un garçon de 12 ans pourrait se sentir libre devant des adultes en uniformes qui l'interrogent ? Je trouve que les pleurs en voiture, toutes ses idées qui se brouillent rendent bien compte d'un problème : le manque, parfois, de psychologie de nos forces de l'ordre.
Je m'étonne également de l'attitude du Papa de Baptiste, puisque c'est ainsi que ce petit garçon maintenant décédé s'appelle (ou s'appelait?). Mon étonnement est ici un profond respect pour cet homme qui a su regarder les faits comme ils étaient : son fils avait une malformation.
"C'est cette malformation qui a causé cette hémorragie et ça aurait très bien pu survenir au foot ou en chahutant avec sa soeur à la maison"
Merci à cet homme "qui a appelé spontanément la radio dans la matinée. "On veut surtout pas accabler l'enfant impliqué dans cette petite chamaillerie""
Merci à cet homme qui fonctionne à l'inverse de l'attitude des médias(dénoncé par Catherine avant moi).
Merci à cet homme de donner au camarade de son fils la possibilité de chasser sa culpabilité.
Merci à cet homme de ne pas vouloir accabler cette "deuxième victime"(comme le dit Charlotte), mais bien plus de l'avoir fait devant la France entière.
Ainsi ce garçon pourra progressivement je l'espère, se libérer de sa culpabilité vis à vis de lui-même et vis à vis du monde(de ses camarades d'école...)

Merci à ce père pour cet acte généreux et libérateur.
Pour une fois que les médias sont un moyen de libération de l'homme, nous aurions du en faire les gros titres pour toute la France.

Alex CHARAUDEAU a dit…

Certains disent de manière pathétique, et pour se vanter de leur prise de conscience de la précarité de l'existence : il faut profiter, car on peut mourir demain.

Il faut pourtant admettre que c'est vrai. On peut toujours mourir demain.

Parfois, j'aimerais saisir toute la portée de cette vérité, pour vivre plus fort.

Oserais-je dire que je n'y parviens jamais ?

marcus a dit…


Comment penser cette disparition tragique ? Et comment ne pas l’espace d’un temps se projeter comme vous venez de le faire, cher professeur, à la fin de cet article. « Et mon enfant renversant un autre enfant… ». Pour nous, la mort (ici la responsabilité dans la mort) est l'impensable, d'autant plus impensable que notre culture a forgé l'idée que chaque être est singulier et irremplaçable. Et cette mort traduit cette horreur de l’indicible, de l’impensable, de l’irreprésentable. Un être qui est quelque chose, qui se dissout, qui devient rien. Un être que l’on a vu vivant qui devient un cadavre glacé par notre faute, par celle d’un proche. D’une certaine façon, cette invitation que vous nous lancez, à travers ce texte « imaginé », tend vers cette interrogation : pouvons-nous la civiliser, la rendre vivable sous forme de représentation ? Pouvons-nous figurer ce qui n’a pas de figure, traduire dans un récit, dans une pensée, dans un imaginaire ce qu’aucune description ne peut arriver à rendre intelligible pour continuer à vivre tout simplement ? Pouvoir de l’art, pouvoir de l’imagination, de l’imaginaire, de la pensée, de l’image qui est en quelque sorte la seule arme que nous avons en face de ce qui nous dépasse fatalement parce que c’est la marque de notre condition mortelle.
Mais, nous le pouvons-nous vraiment? J’avoue que je ne sais pas… et que je partage le même « effroi glacé » que vous cher professeur…

« Regarder Gorgô (que je traduis ici par la figure de la mort, de la terreur, de l’effroi, de la (ma) responsabilité dans la mort de l’autre…) dans les yeux, c’est se trouver nez à nez avec l’au-delà dans sa dimension de terreur, accueillir une lumière dont l’éclat aveuglant est celui de la nuit », nous n’avons pas forcément envie de le faire et pourtant l’actualité de votre billet, cher professeur nous y invite…

Alors « quand vous dévisagez Gorgô, c’est elle qui fait de vous ce miroir où en vous transformant en pierre elle mire sa terrible face et se reconnaît elle-même dans le double, le fantôme que vous êtes devenu dès lors que vous affrontiez son œil »*.

* Jean-Pierre Vernant, Œuvres, Religions, Rationalités, Politique, Tome II, Entre Mythe et Politique, La mort dans les yeux, Éditions du Seuil Coll. "Opus" Paris, 18/10/2007, p.1518.

marcus m1 sepad

Anonyme a dit…

Schopenhauer a vraiment dit ça : que la punition ne devrait viser que le maintien de l'ordre dans la société ?
Louis XVI a été "puni" mais pour révolutionner la société d'ancien régime !
Le chanteur Antonio Placer a un jour raconté ceci lors d'un concert : dans une tribu africaine, les femmes se retirent dans la forêt pour inventer une chanson pour chaque nouveau né. Si devenu grand, il commet un larcin ou qqch de plus grave, le village se réunit autour de lui et lui chante sa chanson pour qu'il se retrouve lui-même et cesse de s'égarer. A mon humble avis, cette sagesse africaine vaut toutes les prisons et punitions du monde. J'espère que l'enfant resté vivant rencontrera qqn qui saura lui chanter sa chanson...
Pour revenir au billet de M.Terestchenko, la capacité d'empathie et de compassion au malheur d'autrui -autrui comme nous-mêmes- permet d'user du langage pour faire passer des sensations, un questionnement comme savent le faire les plus grands écrivains fréquentés par notre cher professeur. Ce texte m'évoque Un clandestin aux Paradis de Vincent Karle chez Actes Sud Junior, collection "d'une seule voix". Il y a la brutalité policière (avec des chiens policiers qui débarquent dans un lycée) et la culpabilité d'un lycéen possédant du shit envers un copain qui sera raflé parce que sans papiers... On n'est pas si loin de l'histoire de Baptiste qu'il semblerait...
Ingrid S.

R. D. a dit…
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Anonyme a dit…

Tout nos « coups » portent.
Nous n'avons pas tous été cause involontaire ou volontaire de mort d'un être humain, mais nous avons tous été cause de souffrance, et nous tuons tous car le principe biologique de la vie de notre espèce repose sur la mort des autres animés, vivants (plantes ou animaux) Et nos actes et non-actes en tant que vivants moraux sont gros de telles possibilités de conséquences, dans l'espace et le temps, que la probabilité que chacun de nous ayons été cause directe ou indirecte de mort ou de souffrance extrême est très grande.
« C'est l'horreur », effectivement.
Non pas l'horreur de l'enfant broyé par la responsabilité écrasante d'une conséquence dévastatrice non voulue, bien que probable mais de façon si petite qu'oubliable ou simplement non pensable car l'enfant est hic et nunc...
Non, juste l'horreur de la vie morale.
Pour ne pas rester sidéré, dans l'effroi glacial, ne pas oublier qu'avant la conséquence existe l'intention. L'intention est la base de nos actions.
Un coup n'est pas une explication, c'est une intention mauvaise.
Peut-on faire porter cette responsabilité à un enfant ? Non.
Peut-on l'en dédouaner? Non.
Car un enfant est un adulte en devenir, qui lui jugera pleinement la faute de l'enfant qu'il était.
En tant qu'adultes nous devons aider l'enfant, ici accablé par les conséquences de l'urgence de l'action, à s'accepter en devenir, en devenir meilleur.
Dans le destin de cet enfant il était écrit que lui verrait parfois les conséquences de ses actes et ce tôt. Destinée fatale!
Lui ne sera peut être pas aveugle à sa propre vie mais y survivra-t-il?
Face à nos enfants nous ne pouvons qu'être glacés d'effroi...tant de difficultés.
Mes enfants ne sont ni doux, ni pacifiques, mais tumultueux et explosifs...Tout comme l'enfant de Michel Terestchenko, cela aurait pu être eux. L'enfant mort et l'enfant vivant sont les nôtres.
Ce sont nos enfants et nous les aimons. C'est ce qui fait que la mort d'un enfant même sans véritablement aucun responsable est impardonnable.
Alors sauvons ceux qui peuvent l'être. Sauvons l'enfant vivant.
Angelina J-M. (master2)

R. D. a dit…
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Jean-baptiste Richard a dit…

C'est l'horreur en effet. Et cela, peut arriver à n'importe qui même à un rationaliste qui pense pouvoir maîtriser sa vie, qui pense qu'il y a adéquation entre vertu et bonheur. Car comme l'a dit Charlotte, cela peut arriver de manière encore plus imprévisible, en jouant au ballon, ou en perdant le contrôle de son véhicule suite à une cause mécanique.
Bref, cela peut arriver de manière tout à fait contingente.
Et je mets au défi le plus stoïcien des philosophes d'aller dire qu'il n'y a que ce qui dépend de nous qui est important quand il se trouve dans une telle situation. Je mets également au défi celui qui pense que seul le nécessaire est important, que ce qui est contingent n'a aucune importance.

C'est une situation-limite qui remet en question un bon nombre de positions philosophiques.

MathieuLL a dit…

Bonjour Jean-Baptiste,

Je ne crois que, dans une philosophie spinoziste ou stoïcienne, lesquelles sont très différentes, le nécessaire soit important par rapport au contingent.
Chez Spinoza, le nécessaire n'est pas associé au "Bien". Les choses sont ce qu'elles sont, un point c'est tout. Nul bien ni mal, mais que des faits.
Pour le stoïcien, le nécessaire est l'expression de la volonté divine... De fait, nous sommes bien "apostats" lorsque nous jugeons les faits en ignorant leur finalité (mais ce n'est pas une opinion que je partage).

Le péché classique des philosophes qui ne pensent les relations humaines que sous l'angle de la liberté (donc de la contingence), c'est qu'ils usent et abusent du sophisme de la paresse... Je laisserai chacun y réfléchir.

Emmanuel Gaudiot a dit…

L'horreur, c'est quand des gens ordinaires sont placés dans une situation extraordinaire. C'est bien le cas ici.
Alors la morale ne suffit pas : quelle soit morale de conviction ou morale de responsabilité, et elle dépassée par la stupeur. Quelque chose de monstrueux a vu le jour : un enfant a tué un enfant. Ce n'est pas un enfant Kmer à qui l'on a dit "tu dois tuer", ce n'est pas un enfant maltraité qui finit par se débarrasser de son bourreau : c'est un gamin qui vivait un jour quelconque et qui s'est retrouvé en face de la mort.
Quelque chose de monstrueux a vu le jour car notre société qui élève ses enfants dans du coton, avec éducation, pouvoir judiciaire, avec des théories sur la psychologie, sur la philosophie, bref, une société bien faite a pu donner naissance à l'impensable : un enfant est responsable de la mort d'un autre enfant!
Angelina écrit que la mort d'un enfant est impardonnable. Évidemment elle l'est pour ses parents car ils devront passer le reste de leur vie avec un trou énorme dans la poitrine, dont les bords seront à jamais rongés comme par un acide. Mais la multitude pardonnera, car elle est rationnelle, et sait ainsi que la mort est notre lot commun, jeunes ou vieux ; la multitude sait également que, si tous les hommes se valent, toutes les morts, elles, ne se valent pas ; il faut alors en juger...
Cependant le traumatisme demeure. IL est marqué par notre impuissance : on a beau être bons, on a beau vivre dans une société protégée, rien ne nous dispense du malheur.
Alors que faire ? Prendre sa tête dans ses mains et pleurer, et serrer tous ceux qui nous sont chers contre nos cœurs...
PS : Permettez-moi enfin de m'offusquer du propos de Romain lorsqu'il parle d'une "prétendue crise économique". Je rappellerai qu'actuellement, ce sont 1500 personnes qui perdent leur emploi par jour, que les "Restos" battent des records en matière de repas distribués... que ce sont toujours les plus faibles qui paient!
J'ose espérer de ta part, Romain, que c'est une posture que tu prends là, pour introduire la monstrueuse citation (que j'adore, du reste) de Thomas Bernhard !

R. D. a dit…
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Anonyme a dit…

Michel Terestchenko , je lis souvent votre blog .Il faut ajouter que depuis quelques mois trois jeunes scolarisés sont morts dans leurs établissements .Celui dont vous parlez ici , plus récemment un autre qui a reçu un coup de poignard , enfin un enfant qui s'est suicidé parce que roux et harcelé par de petites frappes .L'école est devenu un lieu d'anarchie et de violence .Dans l'école de la république la mort rode. Je suis professeur de philosophie dans un lycée rural , ce qui devrait étre pour moi un oasis de paix , en vérité je consacre la moitié de mon énergie à tenter de me faire écouter par l'ensemble de mes éléves , toujours prompts au bavardage ou à d'autres occupations que de suivre un cours .Les administrations sont autistes , les collégues imbibés d'une idéologie laxiste délétère .Si ce n'est pas une violence physique c'est une violence morale et d'une manière générale un état de décadence .

Anonyme a dit…

Il y a quelques années, Bentilola publiait "le verbe contre la barbarie", il partait du constat suivant : en cp il y a une inégalité vertigineuse entre les enfants dont certains ont un bagage de 6000 mots, d' autres ne dappssent pas les 1000. Cela génère de la violence selon lui, car des interactions langagières riches ouvre l'intelligence de l'élève(l'enfant socialisé) à l'interprétation et au décodage du 'tout autre', et c'est dans cette condition seulement que la différence peut être différée et la violence latente apaisée.
Je me laisse aller à une petite confession : à 12 ans je lus en quelques semaine tout le manuel de terminale de philosophie de ma soeur, voilà ce qui explique peut-être que je n'ai jamais fait de 'mal à une mouche' !!! ou peut-être parce que je suis une fille et que donc je n'ai rien à prouver... MarieEmma