On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

samedi 7 mai 2011

Glenn Gould

Le choc fut si grand, si inattendu, que la scène est restée gravée dans ma mémoire avec une précision de tous les détails. C'est entendant, ébloui, ce concerto n° 1 de Bach pour piano (interprété par Jean-Bernard Pommier) chez mon ami Laurent M. - nous étions alors tous deux étudiants en première année à Sciences-Pô ; je lui dois de m'avoir initié à la philosophie (de Heidegger, pour commencer !), à la poésie (de René Char) puis, par la suite, à la musique (de Pierre Boulez) dont à l'époque j'ignorais jusqu'aux noms - que j'ai découvert l'amour de la musique qui ne m'a plus quitté.
Voici le 1er mouvement joué par Glenn Gould, tout jeune encore mais avec déjà les manies qu'on lui connaîtra (l'habitude de chantonner en jouant, la position penchée, le visage au niveau des touches grâce aux pieds coupés de la chaise pliante dont il se servit toute sa vie). La fiche Wikipédia qui lui est consacré rappelle que, selon certains psychiatres, Gloud aurait été affecté d'une forme particulière d'autisme, appelé Syndrome d'Asperger. Well, so be it, si c'est à ce prix qu'on atteint un tel génie d'interprétation !
Timothy Maloney, directeur de la division de la musique de la Bibliothèque nationale du Canada, écrit à son propos : « Glenn Gould mérite notre profonde sympathie pour s'être si bien débrouillé, et notre profonde admiration pour avoir développé et mis en œuvre, face à l'incompréhension et à l'opprobre générale, tant de techniques pour s'en sortir sans l'intervention ni le soutien des autres. Indépendamment de ses réalisations professionnelles uniques, ses réalisations personnelles représentent un véritable triomphe de l'esprit. »
Si j'ai choisi cet extrait, plutôt qu'un enregistrement des Variations Golberg, dont Glenn Gould donna une interprétation aujourd'hui encore légendaire, c'est dans l'espoir que les jeunes lecteurs de ce blog découvriront, comme je le fis un jour, la beauté absolue de l'oeuvre de Bach, comme une entrée dans l'univers si plein de bonheurs indicibles de la musique.

5 commentaires:

ccile odartchenko a dit…

extraordinaire, oui! La musique bien sûr si chère aussi à notre lambert Schlechter ( Bach son musicien préféré) mais aussi ce visage, concentré de douleur et de joie profonde, quintessence du dialogue,du partage du fond de la solitude, de l'intimité avec la musique, expression de l'amour même indiscible/discible??? Merci!

Thierry a dit…

Cher Michel, du coup, je suis moi aussi allé voir l'article de Wiki... Glenn Gould est pour moi tellement immortel que j'ignorais même qu'il fût mort ! (au fait: Bach aussi, paraît-il, mais je me méfie toujours des rumeurs...) Amicalement, et merci pour ces minutes de bonheur.

Michel Terestchenko a dit…

Merci, chers amis. Suis heureux que ce moment de pur bonheur musical vous ait touché autant que moi.

Anonyme a dit…

http://www.youtube.com/watch?v=LadJeS310kc&feature=related

Ça n'a peut être pas grand chose à faire ici, mais, ce sentiment est apparemment bien partagé :)

Mano a dit…

J'ai ce matin assisté au cour de M. Terestchenko. Ce dernier nous parle de son blog dans lequel il nous invite à nous immiscer et, par curiosité simple, je m'y rend le soir même et écoute premièrement le menuet de Haendel dans la transcription pour piano de Wilhem Kempf, interprétée par Idil Biret. Touché par la beauté de cette oeuvre et pour la première fois par de la musique classique (pour laquelle je n'avais jamais vraiment prêté une oreille attentive). Je cherche à en écouter d'autres et je m'installe devant cette vidéo de Glenn Gould. J'ai écouté les deux parties suivantes et je ne trouve pas de mot pouvant décrire cette bouleversante découverte musicale. Alors je tenais simplement à vous remercier M. Terestchenko, j'ai découvert quelque chose de magnifique grâce à vous et je ne compte pas en resté là. Sincèrement, merci.