On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

mardi 19 avril 2011

Au royaume des utopies

Au royaume des utopies, les bourreaux sont rois. Cela est vrai s'il l'on voit dans l'invention imaginaire d'un monde rationnellement idéal, un modèle qui devra être réalisé dans les sociétés humaines de façon systématique. Tel est le propre de l'utopie totalitaire. Tout rêve cependant d'une société meilleure n'est pas de cette nature. On la voudrait respectueuse de la dignité de chacun avec un degré modeste d'inégalité qui éviterait l'ennui de l'uniformité et l'arrogance des mieux lotis – l'argent sera-t-il nécessaire ? Raphaël Hythlodée, le héros de More, n'en voulait pas et j'aimerais le suivre sur cette voie ; conviviale sans être transparente, avec un goût de la fête, des rites et des cérémonies, mais peu de lois, la prison sera le regard de désapprobation des autres ou alors, c'est l'exil ; entre hommes et femmes, comment fera-t-on ? Là, même la plus parfaite des utopies cale – au moins aura-t-on aboli le mariage et le divorce ; plus grand le prestige à mesure que l'on donne ; les écrivains, les poètes et les conteurs y seront princes. Ajoutez ce que vous voudrez à ce petit descriptif, on n'y arrivera jamais, c'est entendu. Il n'empêche ! On aura beau moquer les inventions du rêve et brocarder ces républiques qui ne furent jamais vues ni connues, les rêves sont aussi les véhicules de l'action. Ne sommes-nous pas fatigués de notre sens des réalités ? De fait, nous sommes à bout de devoir toujours, en permanence, « faire avec ». Et si tout d'un coup, c'était un grand NON ! Peut-être même est-ce la seule attitude raisonnable, s'il est vrai que la nature, elle, n'attend pas, n'attend plus et qu'il est peut-être déjà trop tard pour la sagesse des demi-mesures.

3 commentaires:

cécile odartchenko a dit…

a propos d'une image:
film de William Dieterlé: 1935, Le songed'une nuit d'été....Merveilleuse Olivia de Havilland...


L’image est porteuse du film que je me fais, mais elle est image d’un film, image d’une pièce...film et pièce de deux William,Dieterlé et Shakspeare. Et ceci coincide heureusement avec le thème du double et de la méprise qui est le thème du songe d’une nuit d’été où l’amour vrai n’est cependant pas moqué malgré les facéties de Puck le lutin.Combien de «Bottom» à tête d’âne, pourtant! Combien sont-ils qui ne savent pas s’ils aiment, ni qui? Rêve, rêve, mon Irma la douce...sur ton lit de feuilles et d’épines, pendant qu’ils se décident tout en fuyant...Qu’ils fuient les femmes qu’ils n’aiment pas d’abord, puis fuient les dures lois des convenances, pour fuir enfin par ordre d’Obéron, et dans tous les sens, tirés à hue et à dia par les voix d’orage, les fausses voix, les voix des masques...
Ainsi le conte «divertissant» se trouve en passe de servir de diapason pour bien d’autres actions humaines, trop humaines, et même pour l’idiot de Dostoievski, ce grand drame tragique et trop sérieux.Car Puck, avec ses extraits de «pensées» n’était-il pas à l’oeuvre lui aussi dans le roman? Se cachant derrière le banc du parc du jardin des Epantchine? Comme il se cachait aussi certainement derrière le banc du Premier amour de Beckett...Et sur le pont de la frégate du capitaine Vère?Et dans le dévouement de Leporello? Qui me dira si la pièce fut jouée à la cour du temps de Dostoievski?

la petite cédille a dit…

Petite divagation,éloge de la folie : pourquoi parfois les paroles de sagesse et d'humanité vraie doivent-elles affronter la pensée unique, l'idéologie du moment sous les oripeaux de la folie ou de la divagation ? Cela rejoint une des dernières prestations de François Morel sur France Inter : les actuels "responsables" nous ont conduit à la catastrophe sociale, écologique, politique... et si pour une fois on mettait des "rigolos" aux postes de responsabilité, ça serait-y pas mieux ?
Je me demande si Diderot n'a pas fait beaucoup de mal finalement en estimant que tant qu'on est en minorité, il vaut mieux se conformer aux usages en vogue même s'ils sont pour nous complètement insensés et étrangers...

michel terestchenko a dit…

C'est précisément l'invité de France Inter ce matin qui m'a inspiré ce petit billet ! Un journaliste, je n'ai pas retenu son nom, qui dénonce les atermoiements des écolos distingués, incapables d'affronter avec l'urgence nécessaire la gravité extrême de la situation qui menace la planète.