On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

jeudi 18 novembre 2010

Victor Orekhov



J'espère que vous avez pu regarder le remarquable documentaire de Nicolas Jallot qui a suivi, hier soir sur Arte, la diffusion de "La vie des autres", consacré à Victor Orekhov, ce capitaine du KGB qui, dans les années soixante-dix, aida et protégea les dissidents qu'il était chargé de surveiller. Un cas unique d'héroïsme de ce genre en Union Soviétique qui valut (en 1978) à cet officier de la police secrète, travaillant au sein du 5e Département (chargé de la sécurité intérieure), huit années de déportation au Goulag, lorsque ses activités furent découvertes et son nom finalement débusqué, puis, dans les années quatre-vingt-dix, trois autres années de travaux forcés (réduite en appel à un an), à la suite d'une histoire absurde de port d'arme prohibé (le pistolet était en réalité hors d'usage). Poursuivi par le désir de vengeance des plus hautes autorités de l'Etat et craignant pour sa vie, il s'est exilé aux Etats-Unis en 1997.



Aujourd'hui brisé par l'éloignement d'avec sa terre natale, avec laquelle il a coupé toute relation, contraint de vivre caché sous une nouvelle identité, il décrit, avec amertume mais sans regret, son existence comme celle d'un poisson que l'on laisse croupir dans son bocal. Jusqu'à présent, je ne croyais pas que l'histoire du capitaine Wiesler qui fait la trame de "La vie des autres" fût très vraisemblable. Preuve est faite que c'était là une erreur.
Victor Orekhov informait, dans un double jeu incroyablement courageux, les dissidents qu'ils étaient sur écoute ou encore les prévenait des perquisitions dont ils allaient faire l'objet et il avait été conduit à ces actes de désobéissance, au sein du corps d'élite qu'était le KGB, à la suite de la lecture de textes interdits en Union Soviétique, en particulier L'archipel du Goulag de Soljénitsyne. Cet homme, aux yeux bleus limpides et percants, était jusqu'à ce jour totalement inconnu ou presque, et il reste injustement oublié, y compris dans son propre pays. Nous pouvons être reconnaissants à Arte et au réalisateur, Nicolas Jallot - il mit dix ans à retrouver Victor Orekhov ! - de nous avoir permis de découvrir cette figure admirable, qu'il s'agit maintenant d'honorer officiellement comme il le mérite.

Le film de Nicolas Jallot, "Le dissident du KGB", peut être être visionné à l'adresse suivante :
  • http://videos.arte.tv

    Revenant sur l'affaire, le journal L'Express avait consacré, en décembre 1995, un excellent article, "La bête noire du KGB", au scandale de la nouvelle condamnation de Victor Orekhov, qui est encore disponible sur le site de l'hebdomadaire :
  • www.lexpress.fr
  • 10 commentaires:

    Unknown a dit…

    Oui, le documentaire était très touchant. La note final est un peu amère...je me demande si on peut avoir une correspondance avec lui, pour lui dire que son travail inspire d'autres et que ca vie est une grande réusite.

    michel terestchenko a dit…

    Hélas, non : son identité est cachée. Mais je vais essayer de contacter le réalisateur. Je vous tiendrai au courant.

    Unknown a dit…

    J'ai effectivement regardé avec admiration le reportage qui a suivi le film "la vie des autres", ayant depuis longtemps suivit de près les mouvements de dissidence dans le bloc soviétique et le KGB, je m'étais demandé si la figure du capitaine Wiesler était invraisemblable.
    Il est tout à l'honneur de Viktor Orëkhov d'avoir en concordance avec ses principes et son code moral d'avoir agit de la sorte, il s'agit peut-être d'un acte de trahison envers le service qu'il servait mais aucunnement envers son pays ... je salue cet homme admirable.

    Murat Y.

    Anonyme a dit…

    Cet homme est admirable. Il mériterait plus de soutien et une reconnaissance officielle et internationale de ses actes courageux. Ce ne serait que justice étant donné ce qu'il a enduré et cela lui assurerait peut-être une protection contre les anciens du KGB reconvertis dans le FSB qui continuent de le poursuivre de leur haine.

    michel terestchenko a dit…

    Merci, chers amis. C'est très exactement ce que je pense. Cette personnalité exceptionnelle mérite d'être connue et reconnue au plan international. J'ai envoyé un message au réalisateur, Nicolas Jallot, pour lui dire toute mon - je puis dire maintenant notre admiration.

    Cathy D a dit…

    Merci pour le lien sur arte. je viens de le visionner. Bouleversant. Il a sacrifié sa vie pour celle des autres. Il avait conscience du danger mais il l'a fait. Le bien envers autrui a été le plus fort. La fin du reportage me peine. Cet homme apatride, mais finalement homme international mérite le prix Nobel de la paix.

    michel terestchenko a dit…

    Voilà une belle suggestion, chère Catherine. En tout cas, il faut faire connaître autour de soi cet homme admirable et militer pour qu'il ait droit de revenir en paix dans son pays et d'y porter son nom.

    Anonyme a dit…

    alors là c'est le coup de poing dans la figure...je retiens deux choses de ce documentaire : premièrement c'est la littérature qui a changé cet homme. Deuxièmement,le côté révélateur de la vrai personnalité que serait la prison... Ayant travaillé en Ukraine fin des années 90 je tiens pour vraie cette banalité de la détention d'arme ; n'importe quel petit responsable d'entreprise, s'estimait en danger et éprouvait le besoin de porter une arme de poing...enfin cet homme qui "ne fait pas ce qu'il aime faire"... dernière tirade qui est une source d'interrogations profonde transposable à tout à chacun, combien sommes nous à pencher la tête en allant qui dit au bureau ou à l'usine, ou même pointer au chômage parce "nous ne faisons pas ce que nous aimons faire..." Merci pour le lien.
    Pierre T.

    michel terestchenko a dit…

    Merci, Pierre.

    Anonyme a dit…

    Le video n'est plus disponible sur Arte ou Youtube. Pourquoi? Je viens de lire le livre et je veux voir le film.