On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

samedi 5 décembre 2009

Identité nationale

Un front de plus en plus nombreux de chercheurs, d'intellectuels et d'artistes se dresse contre le débat sur l'identité nationale, sorti du chapeau par le gouvernement pour des raisons opportunistes dont plus personne n'est dupe. Au reste, on a bien compris qui se trouve visé.
Mais la notion elle-même, je n'ai pas la moindre idée de ce qu'elle recouvre ni de ce qu'elle évoque ou fait résonner en moi. De quoi parle-t-on au juste ? De nos "valeurs", comme on dit ? Les droits de l'homme ? Mais nous appartiennent-ils ? Nous définissent-ils plus qu'ils ne définissent la démocratie américaine ou anglaise, alors que pas plus que celles-ci nous n'avons pas hésité à les bafouer à certaines époques de notre histoire ? S'agit-il au juste d'être défini ? Bon, bon, ce n'est pas cela dont il s'agit, mais de notre culture peut-être ? Notre identité, ce sont les Lumières, Rousseau, Voltaire, Condorcet, Victor Hugo. Voilà nos grands écrivains convoqués parce qu'ils ont écrit en français et qu'ils sont nés en France. Autant dire que Tolstoï appartient aux Russes, Melville aux Américains, Borgès aux Argentins, etc. Les grands écrivains, s'ils ont une patrie, qu'ils ont su parfois aimé et défendre, s'ils appartiennent à une culture, à une société, s'ils ont vécu, à une époque historique particulière et non à telle autre, s'ils s'inscrivent dans une tradition dont on peut retracer les ruptures et la continuité, je voudrais bien que l'on m'explique à quel titre l'on serait en droit de se les approprier alors que leur oeuvre s'offre et se donne à tous, quelle que soit notre nation ou notre patrie d'origine ? Kundéra est-il tchèque ou bien français ? Et Conrad ou Nabokov ? L'artiste n'est pas une propriété nationale.
L'identité nationale, ce doit être autre chose alors qui nourrit notre sentiment patriotique : le passé commun, le grand récit de l'histoire. Renan à la rescousse ad nauseam. Jeanne d'Arc, le De Gaulle du 18 juin : la France glorieuse de Michelet qui se dresse contre la soumission à l'oppression. Evidemment, il faut oublier, pour des raisons diverses, Louis XIV, Napoléon et ... Pétain. De plus, le patriotisme, franchement c'est une notion équivoque bien mal en point, que personne n'ose revendiquer ouvertement.
Je cherche en vain. Je puis comprendre et même éprouver (plus ou moins) un sentiment de solidarité et de commune appartenance avec d'autres hommes vivant dans d'autres pays que celui où je vis (mais est-il le mien ?). Un tel sentiment n'a rien d'exclusif : il inclut mais ne rejette pas. La citoyenneté repose sur des fictions politiques et juridiques qui sont sans doute inévitables (quoiqu'elles ne soient pas peut-être pas aussi nécessaires qu'on le prétend), l'identité sur des fictions imaginaires, faites de mythes et de narrations reconstruites, qui n'ont rien de substantiel.
L'identité, dira-t-on enfin, c'est le contrat social. Le problème, c'est que les théories du contrat relèvent d'une conception individualiste du lien social, de nature libérale, qui n'a rien de "communautaire".
Aurait-on poser la question de savoir ce qui constitue l'identité européenne, peut-être les choses auraient-elles eu davantage de sens. Je sais que j'appartiens à une large et ancienne culture, je perçois que d'autres civilisations (indienne, chinoise, japonaise) me sont d'un accès très difficile, qu'elles incarnent des expériences et des visions du monde qui pour s'entendre et comprendre exigent que des ponts et des médiations soient assurées avec tolérance et bonne volonté. Mais cette ouverture n'est possible que si l'on renonce à l'idée d'une identité une, fixe et intangible qui n'est qu'une abstraction.
Ce débat, que l'on voudrait instaurer entre nous par une décision venue d'en haut, a quelque chose qui relève du mauvais goût. Au reste, il est totalement déplacé. A l'heure où la terre est chaque jour de plus en plus dévastée, s'agit-il de se demander : qu'est-ce être français aujourd'hui ?

8 commentaires:

DT a dit…

Monsieur, vous dites :

"le débat sur l'identité nationale, sorti du chapeau par le gouvernement pour des raisons opportunistes dont plus personne n'est dupe."

J'aimerais savoir précisément qu'elles sont ces raisons dont vous parler et dont apparemment je suis dupe.

Suivi de :

"Au reste, on a bien compris qui se trouve visé. "

De même, je ne comprends pas bien "qui se trouve visé" et voudrais savoir exactement ce que vous entendez par là.

Amicalement.

César Borgia a dit…

Sans être paranoïaque vis-à-vis de l'Etat, c'est évident que l'immigration maghrébine est ici visée, alors que si ils voulaient vraiment sauver l'identité nationale ils s'en prendraient aux Etats-Unis. Ce qui ne vole pas plus haut. Parce que manger un kebab de temps en temps, quantitativement, ce n'est vraiment rien à côté de la manière dont les Etats-Unis affectent le mode de vie en France et dans le monde. Si il y avait de la cohérence dans la stupidité le débat porterait là-dessus, sans plus de raisons d'ailleurs.Et puis la fausse modestie prétentieuse qu'il y a à écrire "J'aimerais savoir précisément qu'elles sont ces raisons dont vous parler et dont apparemment je suis dupe", c'est désagréable et déplacé.On peut trouver la gauche stupide et reconnaître quand même ce qui se cache derrière ce "débat" qui n'a ni queue ni tête. On peut ne pas le faire, mais c'est du snobisme intellectuel, pour se distinguer de la gauche soi-disant stupide, alors qu'ici ce sont les intentions de l'Etat qui manifestent le plus de stupidité, de non-sens, de faiblesse tactique.
Quant aux raisons opportunistes, ce doit être les élections régionales et celles qui suivront.

DT a dit…

Ce qui est "désagréable et déplacé" comme vous dites me semble plutôt d'associer les kebabs à l'immigration maghrébine.

Ensuite, j'aimerais réellement savoir qui est visé. Votre réponse "évidente" (n'est-ce pas là un peu prétentieux ?) ne me satisfait toujours pas. Pourriez-vous nous expliquer exactement en quoi l'immigration maghrébine est visée ? Et pourquoi l'immigration maghrébine précisément d'abord ?

Parce que pour moi répondre de manière "évidente" à cela c'est contredire le fait que pour vous ce débat "n'a ni queue ni tête". Il faut choisir, moi-même je pense que tout ceci est tout sauf un "débat" et je trouve toute démarche d'une grande spuditité également, rassurez-vous. Mais dans ce cas tout ce que je demande c'est de ne y prendre part et de faire des sous-entendus quant à son sens évident que l'on est pas en mesure d'expliquer.

charlotte a dit…

"Ce débat, que l'on voudrait instaurer entre nous par une décision venue d'en haut, a quelque chose qui relève du mauvais goût. Au reste, il est totalement déplacé. A l'heure où la terre est chaque jour de plus en plus dévastée, s'agit-il de se demander : qu'est-ce être français aujourd'hui ? "

On ne saurait mieux dire. Je crois que la question réelle - qu'on devrait se poser je veux dire - est : comment faire pour changer le cours des choses, freiner le réchauffement climatique et les catastrophes terribles qu'il engendrera, comment faire pour sensibiliser les gens, les gouvernements à une pauvreté de plus en plus atroce - qu'il s'agisse du nombre de SDF en France, ou de malheureux dans le monde - ou même de gens victimes de cette".." crise.... Effectivement, la question de l'identité est parfaitement déplacée. Manipulation politique, régression aussi.

michel terestchenko a dit…

Je vous en prie ne faites de ce lieu l'occasion d'un débat peu aimable entre vous. J'en serai absolument désolé. Ce n'est pas ainsi que nous devons nous parler et nous écouter.
Les raisons d'opportunité que j'évoque allusivement sont, en effet - il me semble que nous sommes nombreux à percevoir les choses ainsi - comme une stratégie électoraliste cousue de fil blanc. Mais ce n'est pas ce qu'il m'importe de souligner. Pour ma part, j'ai beaucoup de mal à mettre une réalité - un sentiment, une expérience - sur cette notion d'"identité nationale". C'est d'abord ce que j'ai voulu dire. Je conviens que d'autres peuvent ne pas percevoir les choses ainsi.
Oui, je maintiens que tout cela relève à mes yeux du "mauvais goût".
Quant à savoir qui est visé, il est assez évident que ce sont, en effet, les populations musulmanes, d'immigration récente ou non, lesquelles souffrent aujourd'hui de cette ostracisation larvée.
Je n'aime pas ce prétendu débat, qui n'en est pas, les intentions qui l'animent, les sous entendus qui sont présupposés. Est-ce étonnant que le FN se frotte les mains. Ce devrait être un signe non ?

Kejdiel a dit…

Je ne sais pas comment prendre tout ceci, j'avoue que l'identité nationale a un poids contre tout échange humain entre deux entité différentes, deux pays, deux ethnies, etc.

Je ne pense pas aller a l'encontre des faits en disant que la civilisation occidentale se dit supérieure a toutes, et si elle ne le dit pas, le sous-entend grandement.

Le France est un pays occidental, quoique Laïque, nourrit par une culture Judéo-Chretienne comme toute la civilisation Occidentale.

Prétendre au nationalisme alors qu'on ouvre nos portes aux Occidentaux, c'est simplement préserver la « supériorité » - sans doute illusoire - de notre culture occidentale et non nationale, car la culture occidentale et « Musulman » ont toujours été rivales. Le problème n'est pas que nos deux cultures soient différentes, mais la rivalité qui empêche les deux « unités » de se stabiliser, donc couper les ponts n'est pas forcement une notion de racisme, ou d'Élitisme, mais de pseudo-prévention. Ne pas réussir à se stabiliser, car rester bloquer sur un front permettra sans problème à une autre entité de s'élever d'elle même, et surpasser les deux d'une seule fois. Dans ses « entités » nous avons déjà l'Inde, la Chine qui tendent à ce rôle.

Je pense que se focaliser sur un point de vue interne est inutile, ils se servent simplement des rencoeurs et des rivalités pour justifier les faits, mais dans le font, la vérité serait plutôt que la civilisation occidentale arrive a son dessein, sa fin.

Amicalement,
Dany

césar borgia a dit…

Je n'associais pas les kébabs à l'immigration musulmane, je disais que c'était le seul impact, pratiquement, de cette immigration sur les français non musulmans. En quoi la présence des immigrés musulmans a-t-elle influé sur le mode de vie en France? En rien pour ainsi dire. C'est ce que je voulais dire avec cet exemple, alors que tout le monde vit en permanence avec le pire des Etats-unis.Et on se moque que cela atteigne toutes les "identités nationales", pour des raisons économiques évidentes. Du coup Marine Lepen gagne 4 points dans les sondages. Et comme Michel Terestchenko je vois mal ce qu'il y a derrière ce concept, le gouvernement semble ne même plus faire d'efforts tactiques pour dissimuler ses intentions.40% des français ont dit dans un récent sondage qu'ils ne voulaient pas qu'on construise de nouvelles mosquées en France. Sans parler de ce qui se passe en Suisse. D'ailleurs le débat est passé du problème de l'identité nationale à celui du vivre ensemble, et là on voit tout de suite mieux qui est visé : pourquoi des français établis ici depuis plusieurs générations et majoritairement chrétiens ou athées se demanderaient-ils donc comment vivre mieux ensemble? (et pourtant ils devraient...) Personnellement, je n'ai aucun problème à voir des mosquées, des voiles, ça n'a jamais empiété sur mon mode de vie.

cardinal magique a dit…

"A l'heure où la terre est chaque jour de plus en plus dévastée, s'agit-il de se demander : qu'est-ce être français aujourd'hui ?"
WAHO!
kel praublaimathic dans vergure un terre nah cionale