On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

lundi 4 août 2008

Shûsaku Endô

Je découvre avec admiration l'oeuvre de Shûsaku Endô, en particulier La fille que j'ai abandonnée et Une femme nommée Shizu, tous deux publiés dans la collection Folio, et vous invite à découvrir à votre tour ce grand écrivain japonais qui parle de la compassion en des termes qui rejoignent de près ce que j'ai essayé de défendre dans "Un si fragile vernis d'humanité" : une bienveillance envers autrui qui n'a rien de forcé ni d'un devoir et qui est d'autant plus admirable qu'elle a l'air d'être toute naturelle, comme allant de soi. On saisit ces traits dans le comportement de Mitsu, l'héroïne de La fille que j'ai abandonnée, qui rappellent ceux des sauveteurs des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Bien qu'ils aient agi d'une manière qui suscite notre admiration, aucun ne s'inquiétait d'être "moral" ni n'admettait par la suite qu'ils dussent être jugés tels. Simplement, selon leur propre aveu, ils ne pouvaient faire autrement. Ainsi en est-il de Mirsu qui se consacre au soin des lépreux, après avoir appris qu'elle ne portait pas cette maladie dont elle craignait d'être affectée. "En ce qui concerne notre amie, elle voulait tellement partager les malheurs d'autrui qu'elle n'avait pas besoin de ces deux vertus [la patience et l'endurance]. En fait elle pratiquait la charité chrétienne naturellement". Mais qu'on ne s'inquiète : le roman n'a tien d'une bondieuserie, le style merveilleux d'Endo vous entraine au charme de sa délicatesse, de sa simplicité. Endô était catholique - ce qui n'est pas chose fréquente au Japon - et comme Graham Green, qui voyait en lui un des plus grands écrivains du XXe siècle, il explore, dans nombre de ses nouvelles, le thème du mal, de la déchéance, de la lâcheté humaine (dans "Douleurs exquises" en particulier). Aussi Mitsu était-elle une figure à part, qui, selon son propre aveu, obséda Endô, comme il était obsédé par l'abandon du Christ, l"homme de là-bas", ainsi qu'il le nomme.

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